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Il ne faudrait pas nous refaire le coup de 2010

 

24 septembre 2020

En 2009, juste après le début de la crise financière, les pays du G20 ont fait le serment de mobiliser leurs politiques budgétaires et monétaires pour éviter de connaître une nouvelle grande dépression, comme en 1930. Dès 2010, cependant, ils ont déclaré que la mission avait été accomplie, laissant seules les banques centrales pour finir le travail. Alors que la pandémie de Covid arrivait, les banques centrales en étaient encore à souffler dans les voiles pour atteindre leurs objectifs d’inflation. Face à la pandémie, les gouvernements ont à nouveau réagi vite et fort pour contenir les conséquences économiques du confinement, et ça a marché. Mais la mission n’est pas encore accomplie. Elle ne le sera pas tant que les économies auront été rétablies une fois qu’un vaccin aura fait disparaître la menace. Mais, déjà, ne nombreux gouvernements se préparent à passer à autre chose, laissant encore une fois les banques centrales seules à la manœuvre.

 

Or, en dépit de leurs déclarations, les banques centrales n’ont plus guère de munitions. Les consommateurs, inquiets, voire effrayés, préfèrent épargner. On aimerait s’imaginer qu’ils vont se précipiter pour dépenser ce qu’ils auront mis de côté durant les mauvais jours, mais c’est plus un souhait qu’une prévision. Si, d’ici là, le chômage, en partie masqué par les aides, se met à grimper, alors que les faillites d’entreprises, également mises entre parenthèse, accélèrent, les inquiétudes des consommateurs resteront aigües et l’épargne de précaution se poursuivra. Face à une demande anémique, les entreprises continueront à différer leurs propres dépenses d’investissement. Dans ces conditions, la croissance restera en berne. Les conséquences économiques, sociales et politiques d’une récession qui perdure sont particulièrement inquiétantes, surtout après les souffrances très inégalitaires de la période de confinement. On devrait pouvoir faire mieux.  

 

Pour emprunter le vocabulaire des banques centrales, les politiques budgétaires expansionnistes doivent être maintenues aussi longtemps que nécessaire, jusqu’à ce que la croissance soit revenue de manière durable. Le moment de hisser la dette publique au rang de priorité ne peut pas être spécifié sur la base d’un calendrier préétabli, le seul bon critère est la situation économique observée. Les gouvernements ont pu constater qu’ils peuvent augmenter leur endettement en cas de besoin, sans déclencher une crise grave. Ce n’est pas le moment de diminuer la dette publique, et ce n’est pas pour bientôt.

 

Ceci dit, il n’est possible d’ignorer la contrainte budgétaire que temporairement et à condition que les politiques mises en place soient bien conçues. Elles doivent se concentrer sur des actions qui visent directement une reprise de la croissance, qui peuvent être décidées et mises en place rapidement, et qui des effets multiplicateurs importants. Ces actions doivent également être très clairement temporaires, ne serait-ce que pour rassurer les marchés financiers que les déficits seront bien éliminés quand le moment de le faire sera venu. Les politiques mises en place depuis l’arrivée de la pandémie répondent en général à ces critères. Le risque est que ces critères soient oubliés à la prochaine étape.

 

Les gouvernements qui ont le courage d’adopter des politiques expansionnistes peuvent être tentés de faire d’une pierre deux coups. C’est ce qui semble se produire en Europe où bien des gouvernements et la Commission sont tentés d’en profiter pour lutter contre le changement climatique. Cette lutte est indispensable pour bien des années à venir. Mais elle va demander des investissements longs à développer et l’action devra être permanente. Ce mélange des genres pourrait même être contreproductif. Si les déficits ne peuvent pas être éliminés et la dette continue à croître, une inquiétude montante sur les marchés financiers pourraient bien imposer un arrêt abrupt de ces investissements, et ce pour longtemps.

 

Que faire, alors ? Jusqu’à ce qu’un vaccin soit disponible – durant la seconde partie de l’année prochaine, espérons-le – il est impératif de maintenir les mesures exceptionnelles couramment en place, pour limiter le chômage, aider les chômeurs et réduire le nombre de faillites, quel qu’en soit le coût. Il ne s’agit pas encore d’organiser la relance, simplement de limiter les dégâts. Mais, en parallèle, les gouvernements doivent préparer et lancer graduellement des politiques de relance.

 

Une fois que la pandémie décroît, pour de bon espérons-le, les mesures exceptionnelles devront être retirées, en raison de leur coût. Une hausse rapide du chômage et des faillites pourrait suivre, mais l’objectif devrait être différent. Il ne s’agira plus de maintenir des emplois mais de protéger les personnes fragilisées, ni de maintenir en vie des entreprises zombies mais d’offrir des consommateurs rassurés à celles qui survivent et qui sont nouvellement créées. Une fois que les mesures de distanciation sociales auront cessé, il s’agira de soutenir la demande, et non plus l’offre.

 

Un fois la menace sanitaire écartée, on peut espérer que les consommateurs voudront dépenser l’épargne accumulée durant la pandémie, mais il est loin d’être sûr qu’ils le feront spontanément. La menace du chômage pourrait bien être la nouvelle inquiétude. Une mesure intéressante serait alors d’encourager les entreprises à accélérer leurs embauches au moyen de subventions temporaires.

 

Pour fortifier la demande, une méthode habituelle est de réduire les impôts sur le revenu et de verser des subventions individuelles. Cibler les bas revenus n’est pas seulement efficace, c’est aussi nécessaire pour compenser ceux qui ont le plus souffert de la pandémie. Encore une fois, de telles mesures doivent être strictement temporaires pour ne pas empêcher la baisse ultérieure des déficits. Le problème est que lorsque ces mesures sont temporaires, leur effet sur la demande est limité, car elles encouragent l’épargne aux dépens de la consommation. Des baisses temporaires de TVA sont plus efficaces car elles concernent directement la consommation.

 

L’approche la plus efficace devrait être d’augmenter, temporairement encore et toujours, les dépenses publiques. Mais pas n’importe lesquelles,  ni n’importe comment. Tout ce qui ressemble à des droits acquis doit soigneusement être évité. Ceci concerne en particulier les embauches dans le secteur public et les projets durables. On pense naturellement à des investissements dans les infrastructures. Les besoins varient d’un pays à l’autre, mais ils ne manquent pas. Une autre possibilité, qui concerne l’offre future, concerne les réformes structurelles : il s’agit dans l’immédiat des compensations aux personnes qui sont touchées par ces réformes. On peut aussi envisager des aides aux entreprises les plus affectées par la pandémie. Par exemple, le gouvernement britannique a mis en place des bons de restaurant ; trop tôt, cependant, car cela a probablement joué un rôle dans la remontée du nombre d’infections.

 

Le message pour les gouvernements est clair : oubliez les déficits et continuez à dépenser, mais n’oubliez pas qu’il faudra, un jour, réduire la dette.

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